Revendication du Groupe d’ouvriers anarchistes-communistes d’Ekaterinoslav (mi octobre 1905)

À tous les travailleurs,

Après un silence obstiné, la dynamite a parlé, défiant l’autorité et le capital. Le premier avertissement est lancé, sans phrase forte, ni sentence, mais dans une langue simple et claire. Les vampires du travail doivent bien comprendre qu’à partir de maintenant leur festoiement perpétuel est troublé une fois pour toutes. Que toujours, où qu’ils aillent, la main de l’anarchiste vengeur sera suspendu au dessus d’eux, comme l’épée de Damoclès toujours prête à trancher, pour les prendre par surprise dans un agréable banquet, dans un club, un restaurant ou dans les rues pleines de gens, dans leurs voitures, dans un train, dans une réunion, durant leur service ou dans leur propre maison. Ils ont joui de trop de tranquillité, ils ont trop usé les nerfs du prolétariat et sucé son sang. Le temps de payer est arrivé. Gloire aux lutteurs qui combattent ces hyènes maudites, les arrachant du cou du peuple ! Qu’elles sachent que nous ne parlerons avec elles que dans une seule langue, celle de l’attentat, et que l’unique demande que nous enverrons sera de la dynamite. Et cela où qu’elles soient, assises dans leurs bureaux de banques, en réunions d’actionnaires, en conférences entre industriels ou au parlement. Nous les avons vu, les assassins du prolétariat, quand ils se riaient de notre «simplicité mentale» ou de notre crédule docilité. Nous nous souvenons qu’eux ont été sourds et muets face à nos besoins. Nous savons qu’en réponse à une grève pacifique, ils ont mis à la porte 1000 ouvriers des usines Ezau et Construction de Machines, les jetant à la rue, affamés et au chômage. Compagnons ! Assez d’oppression et d’humiliation ! Répondez à la violence par la violence et vous verrez que c’est la seule langue que la bourgeoisie comprend. Aucun négociateur, aucun appel au «sentiment humanitaire», aucun politique, aucun gouverneur, aucune grève pacifique, aucun contremaître ne vaut quelque chose. Tous vivent du sang des ouvriers. À bas tous ces gens ! Laissons les travaux si civilisés et cultivés et commençons la lutte contre la bourgeoisie. Nous savons que c’est seulement en démolissant ses piliers que nous nous libérerons. Dans nos actions pacifiques, lorsque nous avons marché à mains nues, nous n’avons reçu que des coups de feu ; Pour avoir participé à des grèves économiques, nous avons reçu des licenciements. Nous préparons une grève générale armée, violente, dirigée contre tout le système bourgeois. Nous développerons la terreur économique, individuelle ou de masse, frappant les bourgeois et leurs lèche-culs ! Nous avons beaucoup appris de la vie. Elle nous a montré dans toute sa nudité l’inimaginable exploitation capitaliste. La vie elle-même a démasqué l’État et le capital. Elle, qui nous a laissé des blessures ouvertes, nous a aussi ouvert les yeux. Nous avons compris que seul le peuple travailleur lui-même peut s’occuper de lui. Nous sommes allés combattre. Fatigués, amoindris par la faim, après la guerre et la crise, ils nous ont envoyé à la katorga [bagnes tsaristes situés en Sibérie et dans l’extrême-orient russe], entourés de soldats. Nous avons enfin compris ce que nous devions faire.

Que les pionniers de la lutte attaquent les rassasiés ! Que la répression populaire commence ! Que les voix des nouveaux héros, pas si nombreux, s’unissent aux cris de Ravachol, Vaillant, Henry et Farber* ! Que les actes individuels, peu à peu, deviennent un torrent de révolution qui rase les restes de la société bourgeoise ! En avant ! Luttons !

Rappelons nous, frères ouvriers, que nous devons répondre à la violence des dirigeants et que déjà des anarchistes-communistes ont protesté en lançant une bombe contre un bourgeois.

Groupe d’ouvriers anarchistes-communistes
Ekaterinoslav, mi-octobre 1905


*François Claudius Koënigstein dit Ravachol, Émile Henry et Auguste Vaillant sont trois anarchistes français qui à la fin du XIXème siècle réalisent plusieurs attentats et sont exécutés pour cela. Né en 1886 dans la ville de Porozov (actuel Belaruss) près de Bialystok, Nisan Farber poignarde un industriel et le blesse gravement à la sortie d’une synagogue, courant 1906. Le 6 octobre, il meurt lors de l’explosion de sa bombe dans le commissariat central, tuant flics et bourgeois.