Lettre de Simon Radowitzky (juin 1924)

[…] Comment pourras-tu comprendre, ce n’était pas possible de dire dans le télégramme précédent quel travail il y avait et dans quelles conditions. Mais les circonstances m’obligent à dire la vérité. Je ne voulus rien manifester de tout cela ; j’avais encore assez de courage et d’esprit pour supporter les persécutions de mes matons ; mais comme tu entendras bientôt dire que je suis à nouveau au cachot, je vais t’expliquer ce qui s’est passé. Le premier jour où la nouvelle direction prit la charge du bagne, il y eut une punition au cachot, au pain sec et à l’eau. Personne ne savait pourquoi ; ils me prirent soudain et me traînèrent, me laissant inconscient. Jusqu’à aujourd’hui, j’ignore la cause d’une chose ou d’une autre. Les jours d’après, le directeur Palacios et tout le comité vinrent et me jetèrent tous mes livres, papier pour écrire, encre ; pour finir, ils laissèrent la cellule sans un brin de papier et cette même après-midi, un ordre arriva de me mettre à l’isolement, encore une fois, au pain sec et à l’eau. Après quelques jours, la garde m’appela et lut un ordre qui disait : «Par décision de monsieur le directeur, la punition est levée…» Je suis allé travailler à la carrière ; j’ai travaillé quelques jours, c’est-à-dire jusqu’à ce qu’ils viennent pour m’enfermer de nouveau. Ils me mirent une autre période au pain sec et à l’eau et m’enlevèrent encore une fois la punition m’obligeant à travailler, aux travaux forcés. Toute tâche difficile et humiliante, ils me la gardaient. J’étais complètement isolé et avec interdiction de parler. Vu que maintenant j’entrais dans une période où le cachot, au pain sec et à l’eau, m’était plus pesant, ils voulaient en finir avec moi à force de travail et d’enfermement. Je n’écris pas cette lettre au son des plaintes ou des protestations ; non, ce n’est pas mon intention ; j’espère seulement te dire que ma persécution, je la dois à quelques individus qu’il y a ici et qui sont de la Ligue patriotique. L’un d’eux est un certain Bazan que j’ai entendu dire être chef d’une brigade de la Ligue à Cordoba. Et puis, lui et un autre semblent plus délirer sur moi. Mais comme je me considère supérieur à eux, et qu’un jour, je leur ai dit que ni eux, ni personne ne me volerait mes droits d’Homme et ma dignité d’anarchiste, ils ne savent pas quel mal me faire depuis. Sur conseils d’autres prisonniers, je vais travailler aux travaux forcés pour ne pas leur donner le goût de me mettre au pain sec et à l’eau. Malgré les interdictions que mes bourreaux m’ont imposé aujourd’hui ; j’ai du courage et je ne me courberai pas. Cette fois quand cette lettre t’arrivera, je serai au cachot ; alors s’ils ne changent pas mon travail, je refuserai de continuer à travailler et qu’ils viennent ces misérables. Pourquoi écrire est une chose, et comprendre cette dureté en est une autre, et ma patience s’achève déjà, surtout au rythme qu’ils tiennent à m’envoyer au travail et avec les ordres qu’ont les gardiens. Ils ont été jusqu’à commettre la stupidité de mettre dans les carnets de la garde que j’étais aux travaux forcés et sous surveillance renforcée…

Simon – Juin 1924