Réfugiés de guerre & exilés

À partir de février 1939, le Mexique accepte plusieurs dizaines de milliers de réfugiés de la guerre d’Espagne. Radowitzky arrive en juin 1939 avec de faux papiers cubains via Montpellier, Paris et la Belgique. Installé, il se fait alors appeler Raul Gomez Saavedra. À Mexico, le poète uruguayen Angel Falco lui trouve un emploi au consulat d’Uruguay où lui-même travaille. La Seconde Guerre mondiale éclate en septembre 1939. Selon une biographie écrite en 2010, plus de trente ans après son départ de Russie, en 1940, il réussit à voir ses frères à la frontière entre le Mexique et les États-Unis, sa mère, malade, n’ayant pu faire le voyage. Pour se rendre aux États-Unis, il tente d’obtenir la nationalité mexicaine. Afin d’éviter une expulsion future des réfugiés espagnols vers l’Espagne de Franco, en cas de changement politique, le pouvoir mexicain octroie alors sa nationalité à nombre d’entre eux. Malgré cela, la demande de visa de Radowitzky est refusée au motif qu’il est sur la liste des anarchistes considérés dangereux. Par la suite il s’y rend clandestinement. Selon A. Souchy, il participe après la Seconde guerre mondiale à la section mexicaine d’une organisation internationale œuvrant pour l’envoi de médicaments aux réfugiés dans l’Europe dévastée. En avril 1946, Radowitzky, accompagné du vieil anarchiste Tomas Ferrari, assiste à la troisième conférence des États d’Amérique membres de l’Organisation Internationale du Travail, organisée au Mexique. Il y croise Libertario Ferrari (fils de Tomas), un dirigeant syndical de la Confédération Général du Travail argentine, avec lequel il se dispute sur le soutien de ce syndicat à Juan Peron. Formée en 1930 par le rapprochement de l’Union Syndicale Argentine – elle-même issue d’un regroupement entre une scission non-anarchiste de la FORA et d’autres syndicats en 1922 – et de la Confédération Ouvrière Argentine, la CGT soutient dès 1943 la politique du ministère du travail dirigé alors par Juan Peron. En 1945, elle devient le principal moteur des manifestations de solidarité à Peron emprisonné et l’un des piliers de sa politique lorsqu’il est élu en 1946 à la présidence argentine. La CGT devient partie intégrante du péronisme, cette forme de populisme argentin que met en place Peron.

Radowitzky est embauché dans une usine de fabrication de jouets pour enfants. Il vit à Mexico avec sa compagne – dont nous ne savons rien. Il fait de nombreux aller-retour à l’hôpital, tant sa santé est mauvaise. En 1946, le Consulat espagnol du gouvernement républicain en exil au Mexique fournit un certificat de nationalité espagnole pour «Simon Radovizky Polinsky, fils de Najman et Jaie, originaire de Stepanetz, province de Russie, né le 1er décembre 1889», domicilié à Mexico.

Au Mexique, la communauté des exilés de la guerre d’Espagne ou d’ailleurs est diverse. S’y croise des anarchistes du monde entier et de toutes tendances, d’ex-membres du groupe anarchiste yiddish Frayhayt basé aux États-Unis, d’anciens réseaux de soutiens aux prisonniers anarchistes en Russie, des anarcho-syndicalistes, des anti-fascistes exilés, etc. Radowitzky se lie d’amitié avec certains. Il a aussi des contacts épistolaires épisodiques avec quelques anarchistes de part le monde. Pendant ces années mexicaines, Radowitzky consacre une partie de son temps à des projets d’édition de textes et de brochures anarchistes.

Il meurt le 29 février 1956. Il existe plusieurs versions concernant sa mort. La première est qu’il est mort d’un arrêt cardiaque chez lui, la seconde dans un hôpital. Une troisième raconte, selon un témoin, qu’une voiture l’a fauché sur le bord de route mais les flics n’ont pas retenu ce témoignage et le déclarent mort d’un arrêt cardiaque sur la voie publique. Selon cette version, ses proches préfèrent rendre public une mort moins mystérieuse qu’une exécution ou un accident. Il arrive que le 1er mars soit aussi donné pour date de sa mort. Augustin Souchy publie en 1956 Una vida por un ideal, un recueil de textes sur Radowitzky, édité par le Grupo de Amigos de Simon Radowitzky à Mexico. Posée dans le cimetière municipal de la ville de Mexico, sa pierre tombale précise : «Simon Radowitzky (Raul Gomez) 1889-1956 / Ici repose un homme qui lutta toute sa vie pour la liberté et la justice sociale».

Notons pour l’anecdote plaisante que le monument en l’honneur de Falcon à Buenos Aires est tagué d’un fier «Simon Vive» et qu’en 2010, en Argentine, un groupe d’anarchistes a revendiqué ses actions sous le nom de Nucleo Simon Radowitzky, et au Mexique, des cocktails molotovs ont été lancés par la Brigada de Accion Revolucionaria por la Propaganda por el Hecho y la Accion Armada – Simon Radowisky.